Un samedi ordinaire à
Marseille
Tout
débute donc très zènement, le soleil est au rendez vous, nous déambulons
tranquillement en papotant de tout et de rien.
Midi !
Nous avisons pour manger un snack nous tentant avec des filets de sole, et
petite fille ainée nous rejoint. Le snack va s’avérer très décevant, absente
l’amabilité des mets et des serveurs, notre tranquillité et zénitude commence à
être un peu bousculée, mais nous rêvons encore à notre après midi mère-fille,
aux boutiques que nous visiterons tranquillement, au thé que nous prendrons sur
le vieux port… lorsqu’une voix enjouée nous sort de nos rêves :
« Maman, maman, on va à Central 13, allez, maman, dit oui, allez…. »
Au fond de la Brie, on ne connait pas Central 13. Les Halles d’Auchan, oui,
mais pas central 13. Donc, pas méfiante, mamie, et ne comprenant pas non plus
la réticence de mère indigne essayant de refuser, mamie insiste pour que l’on
fasse plaisir à notre grande cigale !
Ah !
J’ai bien fait d’insister ! ça aurait manqué à ma culture générale !
Chemin
faisant (pan ! pan !)nous passons devant une boutique de réparations
et vente de portables. Comme le mien donne des signes de faiblesse, que celui
d’Ophé a aussi un problème, nous entrons. Le vendeur va m’accorder 10 minutes
d’attention, le temps que je lui explique que je voudrais un téléphone qui
téléphone, et non, pas un tactile, j’avais quoi me demande le vendeur ? un
« panama », ha ha, madame, celui là porte bien son nom, ha ha, plus
nul vous aurez du mal à trouver, ha ha !
Bon,
j’acquiers donc un petit Samsung mais je
vais remballer les 100 questions qui me viennent en tête, genre comment je
change de sonnerie, est ce qu’il enregistre, est ce que je peux le mettre en
vibreur…. des questions de mamie, quoi ! je ne pourrai rien dire car entre
la fille et la mère débattant des mérites d’Apple et de Samsung, des prix et
des technologies employées par les 2 marques, les vendeurs très à l’écoute de
ces acheteuses potentielles, relèguent mamie et ses questions près de la
porte ! en même temps, la vente d’une tablette Apple (700 euros) et d’un Samsung
has been (50 euros) n’ont rien de comparable !
Ensuite,
mamie et ses questions sans réponse suivent la jeunesse vers le fameux magasin
central 13. Que dis-je un magasin ? Une boite de jeunes avec DJ à l’entrée
et des décibels comme s’il en pleuvait !
Mamie
se relègue sur un fauteuil (ils ont tout prévu !), son nouveau jouet à la
main, essayant dans un boucan d’enfer de décrypter ce nouveau mystère
technologique.
Mes
yeux tombent sur des écrans télés qui diffusent des clips qui ne correspondent
même pas à la musique que le DJ de service, casquette vissée à l’envers et
pantalon sous ses fesses replètes, nous balance en hochant une tête que je
soupçonne vide de Nietzsche ou de Spinoza,mais peut être que je me
trompe !
Et,
à l’aise comme un poisson dans son bocal, une Ophé va, vient, essaye, et
ça ? et ça ?ça me va ? tu te rends compte ! Section
d’assaut était là hier, et donnait des autographes, trop nul ! je le
savais pas !....
Pour
moi, ce nom évoque plus une manœuvre militaire qu’un groupe de rap, mais avec
ce nouveau genre musical, rien ne m’étonne !
Un
mal de tête m’attaque sournoisement et c’est insonorisée, vidée de toute pensé
cohérente, avec de violentes céphalées que je vais continuer mon périple
marseillais. Grande Ophé, heureuse mais ayant très raisonnablement dépouillé le
porte monnaie maternel, part de son côté, fille ainée remâche une certaine
rancœur contre l’avance qu’on lui a extorquée pour réserver les articles
convoités, et nous arrivons au grand centre commercial Bourse, où je crois
rêver : 172 écrivains dédicacent leurs œuvres ! je voudrais discuter
avec chacun d’entre eux, feuilleter tous ces livres, et avoir assez de liquide
pour pouvoir acquérir certaines œuvres, je voudrais, je rêverais…. mais nous
n’avons plus trop de sous ni de temps, et ma grande fille, raisonnable pour
deux, me traine dans une fnac bondée où on se bouscule, où on se perd, où tout
est tentation, donc frustration, on en sort, on y revient puis finalement, on
s’écroule devant deux jus de fruits délicieux et bien mérités. Retour enfin à la
maison dans des transports en commun où les échanges verbaux agressifs
éveillent en nous des envies d’intervenir auprès des agressés, mais nous nous
tairons lâchement ou prudemment… nous arrivons fourbues à la nuit tombante,
mais nous ignorerons encore un peu l’appel doucereux du canapé, car il nous reste
à faire des courses alimentaires, dans ce magasin qui, merveille des merveilles
vous ouvre ses portes jusqu’à 22 heures ! Allons donc dépenser les
gwenecks qui nous encombrent et que nous avions su sauver face à la littérature
et ses tentations !
Je
suis malgré la fatigue et mon mal de
tête très contente d’avoir partagé cette après midi avec fille et petite fille,
je saurai désormais quel est cet enfer délectable (enfer pour les adultes,
délices pour les jeunes) qui constitue la toile de fond de mes marseillais.